• Non, depuis quelques temps je n'y étais plus. J'avais bifurqué, je m'étais transmutée. 

    L'envie me brulait les lèvres, mais les syllabes, petits enfants timides, restaient coincées tout au fond de ma gorge, entre ma commode et ma glotte, là où le vocable perd son sens.

    Des mots de banquiers venaient m'habiter parfois, d'autres de financiers, de rentiers ou de comptables. Certains semblaient sortis de l'assemblée, vêtus de costumes, cravatés et bien calibrés.

    Des attendus rangés en colonne. Je les regardais avec curiosité. Tous avaient une place que je ne connaissais pas.

    Etait-ce le mur d'en face, cahier de brique froid et vide. Celui de derrière, margé de parpaing, où ne faisait que s'aligner les curiosités mal placées.

    Je voulais un nuage, je rêvais d'un début sans usure, d'un vol d'oiseau au dessus d'une ligne d'horizon, même des pigeons m'auraient suffit. Je voulais d'un goût douce amer, d'un goût de citron mélangé à celui d'une fraise, d'un printemps sans automne, d'un temps suspendu en équilibre comme le son d'une timbale dans le silence de la nuit. 

    Alors je réécoutais les vibrations de certains corps, plus ou moins célestes selon les matins. Je parcourrais les lignes. J'entendais le vent dans la toile qui se tend dans un claquement. 

    Le temps n'avait rien de suspendu, il s'écoulait comme s'écoule une source, chaque année se figeait et renaissait des glaces qui l'emprisonnaient l'hiver durant, où bien frappait dans un rythme régulier les sillons ridées que faisaient les baines.

    Au fond je préférais le sel au formol. Peu importe où m'amènerait le son.

    Demain, peut être la piscine. 

    crédit photo : L'étrange Nicolas Descottes // www.nicolasdescottes.com

     


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