Le chien et le loup. Le bleu et le gris. Le flou.
2. En ce temps là ma tête était encore balayée par la frénésie des flash de la nuit. Mon cœur palpitaient à la mesure de cette ignoble boîte à rythme. Mes yeux brillants cherchaient les lueurs rassurantes d'un matin plus serein. On dort plus longtemps en attendant le soleil à l'ouest.
Vers midi je revenais à moi et j'appréciait l'ombre de cette toile qui me gardait des enfers brûlants de la plage. Encore un peu de la douce fraîcheur d'une nuit sans teint. De tous ces visages sans épaules, flottants autour des chocolatines. Judici. De tous ces visages je ne gardais que la faim dans mes entrailles. La faim et l'odeur du pain fondant à cinq heures du matin.
Vers midi je fouillais les baïnes à la recherche de mes algues nourricières. Un peu hagarde, il faut bien le dire, je m'étonnais de ne rien trouver des étoiles qui s'étaient baignées toute la nuit. Mes mains caressaient la surface de l'eau comme une anémone. Mes mains jouaient avec les diffractions de la lumière. Je reproduisais le bal en plein jour. Peut-être je trichais un peu. Et l'eau se dilatait. Et l'eau se rétractait en d'infime filament salés et dorés. Tout au fond le sable noyé, mais pas la branche d'une étoile même orange. Quelques microscopiques coquillages et de presque inexistantes crevettes.
Pourtant, je n'avais pas menti, je n'avais pas bu, je les avaient vu batifoler et se noyer. Cassioppée la tête la première, toute nue aux alentours de minuit. J'y étais, le tapis, les strass et les paillettes. Je n'avais pas rêvé, ni fabulé.
Mes yeux s'accoutumaient à nouveau et tout doucement au bleu du soleil vif, et je ne trouvais pas l'ombre d'une trace de ce que j'avais vécu. Ni la preuve, ni le bout d'une branche scintillante. Juste cet accent américain qui m'appelais au bord de la plage.
Ce matin j'avais dans ma tête "enchifferonnées" de tous ces souvenir en traversant le fleuve. Depuis ma chaise haute je scrutais l'horizon. Six heures du matin, quand l'été refuse de naître. Six heures du matin non loin de ce petit hôtel et de ce cinéma militant. Six heure du matin accoudé au comptoir. L'océan qui me revenait par vague. L'océan et mes vingt ans. Je n'ai rien bu pourtant.
je ne sais pas...je ne suis pas sûre...mais j'apprécie beaucoup...