• L'école Buissonnière


    Aujourd'hui j'ai fait l'école buissonnière. Depardon comme caution. Alors je me suis dit "faisons comme lui, prenons les choses comme elles viennent, au vif. N'oublions de regarder la vie, n'oublions pas de vivre".

    J'avais envie que mes yeux soient un appareil. Des images et des histoires à chaque battement de paupières. J'avais envie que mes mains apprennent à écrire à la vitesse de mes cils. J'avais envie de transformer mon corps en outil expressif. Que mes photos et mes mots deviennent un appendice. Alors j'ai pensé au travail de Polyfractus, à celui d'Aki , à celui de tous les autres que je découvre au fur et à mesure. Quand la création n'a plus d'autres outils que le corps pour s'exprimer. Plus de crayon, plus de boîtier, plus d'instrument, plus de pinceau, plus d'autre appendice que son propre corps et ses sens. Bref. Voici mes buissons.

    Je suis passé devant chez Orcanta. J'ai eu envie d'un soutif rose, ou peut-être gris.
    Le hasard a voulu que mes narines soient attiré par une glycine rue Francois Miron ou rue Foux. Elle sentait bon. Tu sens ?

    Du coup j'ai eu envie d'un soutif mauve, un doux mélange entre le rose et ce fameux gris. Je me suis mise dessous. Je me suis perdu dans les branches sinueuses qui s'enroulaient autour de cette grille. Belle liberté pour un portail. Une glycine à Paris.

    Et puis je me suis perdu dans le bleu des yeux de la libraire qui me racontait sa vie, qui aimait tant les livres. Le gris flamand m'a rattrapé avec Désirée Dolron. La renaissance en photo. Je la suis depuis deux-trois ans. Elle exposait et elle avait un livre. Ca m'a fait plaisir.

    La rue Montorgueil ? Trop tôt. Tant pis.

    Rue de Rivoli j'ai suivi un camion bleu à deux étages. Je me suis amusé à imaginer qu'il pourrait me servir de tremplin ou de garage. Visiter Paris du deuxième, me laisser aller à son trajet. Il a freiner, j'ai failli décoller.

    J'ai longuement regardé cette boutique d'essences rares et subtilement mélangées. Je me suis demandée quelle pourrait être la mienne. J'avais envie de massages raffinés comme un fumoir turc.

    Place de la Concorde, comme un manège. Un deuxième tour. Pourquoi pas. Les Champs. J'étais seule au monde avec mon sourire accroché au visage.

    J'ai rasé les moustache d'un gros bus vert. Klaxon. Non, même pas.

    Une gravure de mode en costume bleu marine encadrée dans la vitrine de chez Cartier. Blond, les cheveux mi-longs. Quelque chose de tellement ridicule et de convenu. Parfait jusque dans cette image fugace. Un nouvel Eve pour un siècle sans trop de repères.

    La folie de l'Etoile. Priorité à droite. Beaucoup trop d'étoiles.
    Tout en bas. A droite pour Levallois.

    Un type jovial qui discute a par dessus le capot d'une poubelle avec des écaillers. Un zinc à même la rue. Une mosaïque alsacienne ou andalouse pour annoncer le menu.

    Une jupe beige devant une veille Lada de la même couleur. Une beauté russe en été. Quelque chose de la douce folie d'une Datcha, de la langueur d'un soleil trompeur. Les feuillages qui vibrent avec la lumière.

    Un peintre avec une échelle qui ne va nulle part. Un moustachu qui porte trois chaises et qui ne va nulle part, lui aussi. Non plus.

    Avec tout ça je n'ai pas mangé et j'ai envie de Basilic.

    Un oeil qui cligne. Un homme m'a dit qu'il était lassé. J'ai voulu lui répondre. Je lui dit pardon mais je ne peux rien pour sa lassitude, c'est comme cela. Ca me rend un peu triste mais tant pis.  Je l'aime bien lui et ses cheveux bruns mais je ne peux rien pour sa lassitude. Un jour viendra l'heure du thé, peut-être.
     

  • Commentaires

    1
    Jeudi 4 Mai 2006 à 16:24
    un souvenir de rue
    Dans ma période de vie buissonnière, j’ai eu l’occasion de prendre la rue Montorgueil, de m'en accaparer, de la voler, de la chiffoner comme une boule de papier pour mieux la garder dans ma poche, ça me tenait à cœur depuis quelques années. Alors lire comme ça au beau milieu de tout ceci « la rue Montorgueil ? Trop tôt. Tant pis », ça fait mal… non c’est de la surenchère d’expression ! Je souris, puis je raconte. Vers quatre ans, j’étais rentré de l’école comme un fou, prêt à regarder l’Île aux Enfants et fier de ma découverte du jour : le mot « pédoncule ». Quatre ans plus tard, je ne m’en souvenais plus. Mon père très fâché, (qu’on ne connaisse rien, passe encore, mais qu’on oublie, surtout pas) me trouva le livre le plus compliqué de notre bibliothèque. A chaque ligne, je découvrais un mot. Nous avons passé tant de temps sur la première page que je m’en souviens encore par cœur : « Gédéon Van der Leuwen pousse de l’épaule le vantail de chêne rouvre. Des guirlandes d’anges bouffis, des ogresses nues, membres figés dans un écartèlement végétal de palmes et d’acanthes, des écrevisses monstrueuses à têtes d’obus, dont la marche à reculons s’en vient buter contre les cabochons de feuilles de viorne et de sureau, en ornent les linteaux. » et ainsi tout au long… tout au long… du « clown de la rue Montorgueil », ce livre de Catherine Paysan… j’ai eu à ouvrir mon vieux dictionnaire bleu feutrine de 1972, d’abord en pleurant, puis en souriant toujours plus. Voilà pour dire que pour moi, quand vint l’heure de m’approprier la rue Montorgueil, ses hôtels, ses bars, ses habitués des zincs, si différente du tableau de Monet, il ne fut ni trop tôt, ni trop tard… Et ceci dit, j’adore ta promenade…
    2
    Vendredi 5 Mai 2006 à 07:43
    Ah quelle malchance de n'être pas comme moi
    comme moi hypermnésique... C'est une vraie maladie... de la mémoire mais ça aide parfois. A propos un Gar (à prononcer avec l'accent texan), c'est le poisson alligator des lacs d'Amérique centrale, une sorte de poisson reptilien, forcément fossile vivant. Lépisostée exactly ou Atractosteus tristoechus... Une vraie sale tronche que j'ai eu dans ma besace de viandard. Rejeté vivant comme il se doit. Bon évidemment, avec un D, c'est moins exotique, c'est juste un département. Et puis ensuite, il est même possible d'imaginer des explications plsu prosaïques. Désolé Miss Pull pour le monologue. Tu me diras, le jour où l'envie t'en prend tu décroches le téléphone. Moi, l'envie de jouer au général de l'armée morte m'est passée.
    3
    Vendredi 5 Mai 2006 à 07:49
    Oh et puis arrêtes
    avec tes histoires de lassitudes : ça n'a rien à vouaire. Je parle fibre, sang et larme et tu me réponds en jouant la chatte fière de sa progéniture./ Et puis, je te répète, le thé, j'aime pas. Trouve autre chose ! Sinon, l'aspect lassant vient du manque de courage... Y a encore une perche. Et de l'autre côté des apprentis tritons, suffa les histoires éventuelles. Les mots ne vivent pas d'histoire. J'écris si ça me chante.
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    4
    Tarass Boulba
    Vendredi 5 Mai 2006 à 09:06
    A Gometz,
    à Paris, sans doute à Addis Abeba, il fait beau aujourd'hui. C'est déjà ça. Demain commence le week end, c'est déjà ça. Ensuite on verra, c'est déjà ça. Je suis fatigué, c'est déjà ça aussi. Readioux.
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