• Le Kosovo est une femme allongée. Dans les replis de sa robe fait d'un velours épais, les arbres poussent en liberté. Parfois, dans un creux, un petit village de tuiles orangées, calmement posé, un minaret ou une église. Là où le velours est usé, un champs de maïs ou de tabac, des poivrons, quelques moutons.


    Le lacet asphalté comme une petite musique qui suit son cours à flanc de colline.


    Pendant quelques jours le doux son de l'eau qui se fraie un chemin au milieu des pierres. Les arbres y viennent plonger leur racine.


    La nature se contre fout des humeurs et des aigres caprices des hommes qui l'habitent. Leurs visages sont faits de ce pays.


    Etrange sensation de tant de paradoxe où les larmes succèdent aux rires, où l'on se haie autant que l'on se donne des accolades fraternelles, où les mercedes aux verres fumés croisent les lada toutes cabossés, où les morts vivent encore chez les vivants. A bien regarder ces visages austères et parfois mélancoliques, un reste de rire comme une étincelle encore vivace au fond des yeux.


    Ce pays n'est pas de tout repos mais il a du coeur autant que de la fierté.
     
    Quelques humbles images si vous yeux ont envie d'en savoir plus dans l'album photo sur le côté. Bien le bonjour à tous.

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  • Je n'avais pas envie de courir ce matin. Je naviguais paisiblement entre les voitures déjà pressées de se bousculer, de vociférer, de s'empoigner. Je vous ai vu rentrer le teint halé, les traits reposés. Je n'ai pas envie de vous voir blêmir au rythme où vous me volerez la douceur tranquille d'un Paris qui coulait sereinement au mois d'Aout.


    Non, ce matin je regardais la nature faire sa toilette. Se préparer. Se séparer d'une branche ou de deux, de quelques feuilles aussi, déjà roussies. Choisir son habit. Une écharpe et son manteau. Prendre trois mois s'il le faut. Pour affronter la rudesse et la tristesse de l'hiver pelotonnée sous cet immuable abri. Ranger ce qui dépasse. Une terrasse ou un café. Une bière.


    Ne plus bouger, s'économiser et attendre que ça se passe.


    J'aime prolonger les étés jusqu'aux contrées de l'automne. J'aime le faire dans des pays où la nature profite encore du soleil jusqu'au dernier rayon. J'irais en Slovénie, en Arménie ou en Syrie. Demain, je goûterais le sucre et le miel des après midi lascives. J'emplirais mes yeux des lueurs de septembre et des heures que l'on passe à regarder la vie traîner. Je volerais un peu de leur histoire aux vieux, un peu de leurs rides, un peu du rire de leurs enfants. Je savourerais la quiétude des langues de terres qui se prélasse dans la mer. Le son des petits bateaux qui cliquettent sur le fil de l'eau, celui des tambours et des violons.


    Je ramènerais dans ma têtes les images d'un pays qui panse ses blessures. Je vous les distillerais le teint halé mais pas du tout pressé de vociférer. Peut-être j'aurais une pensée pour vous lecteurs et joueurs assidus ou simples nomades. Dans tous les cas je vous souhaite un agréable rentrée en espérant que vous ne soyez pas trop pressé d'oublier cet été.
     
    PS. je vous laisse une définition en suspend 

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  • Était-ce l'alcool ? Étais-ce la chaleur suffocante que l'orage n'avait pas su dissiper ? La pollution. Mon coeur s'est mis à battre. Du vin ? Non, merci. Surtout de l'eau.


    J'ai badigeonné les briques de beurre fondu. Un pinceau à aquarelle faisait l'affaire pour peindre le dîner d'une touche de cannelle. J'aimais prendre ce temps et savourer les mots autour d'une pomme compotée. Replier la feuille sur elle même, faire de ma cuisine une origamie. Lentement, tout doucement, j'ai laissé ce temps s'ouvrir dans mon palais. Comme un bon vin qu'on laisse reposer, le temps s'est oxydé et s'est mêler à tant d'autres saveurs. J'ai laissé son goût m'envahir et me transporter au point de défaillir. Mon coeur battait. Je l'entendais palpiter à chacune de mes gorgées. Le temps prenait mon corps tout entier.


    A un moment, à un moment précis, il a quitté mon corps. Mon sang comme une énorme bulle dans mon cerveau. Il s'accumulait dans ma boîte sous vide. Mon cœur était sorti de sa cage thoracique. La bulle a explosé au milieu de mon cortex. Au ralenti, une pluie scintillante. Au ralenti, à n'en plus finir. La douceur et l'ivresse de l'Hanabi.


    Le canapé rayé a accueilli mon corps liquide. Une terre d'asile. Pas de vin, non. Surtout de l'eau. J'ai aimé ce reflet sur la vitre de la cuisine. J'ai aimé le regarder et l'embrasser du bout des cils. Il avait cette candeur maladroite, cette envie désemparée. Il m'a donné à voir toute la beauté d'un quotidien pourtant si commun. J'ai adoré les détails de cette image que la nuit vitrée découpait. Et les silences bavards qui ne risquaient pas de faire revenir mon palpitant à la raison.


    Une salade et une brique sous vide. Du vin.
     
    crédit photo : Ola Bergengren 

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  • Sur cette planche abandonnée au bon vouloir du trottoir, sur cette planche un peu pourrie était écrit : "Très Fragile". Elle s'était fendue de son devoir utilitaire : protéger les narcisses d'un miroir transbahuté d'un appartement à l'autre. Une vie ou une autre. Les narcisses devaient être des fleurs persistantes, même piqués par les usures du temps.


    Moi, j'avais en équilibre, un carton dans la main gauche, une touffe de poil cendré dans la gauche. Sur le bout de mon nez cette pile d'enveloppes qui m'empêchait de respirer. Et puis quelques moutons pour décorer.


    J'ai récupéré la planche et j'ai lâché le reste.
    J'ai tout lâché, là au milieu du salon. J'ai déménagé.
     
    J'ai poussé le lit, le canapé et le fauteuil. J'ai fait la chasse aux vieux fantômes en forme de souvenirs. Ces salopards avaient élu domicile en sourdine dans mon placard. Ils s'étaient répandus, ils s'étaient engraissés sur le dos de mes pulls et de mes écharpes en laine. Ils s'étaient repus au gré de mon oubli. Ils étaient devenus obèses. Je les avais laissés faire. Laisser pousser comme on laisse l'herbe folle croître et tout envahir. Mon placard était un terrain en friche. Anarchiste. Mon placard me rendait asthmatique.


    J'avais au fond des yeux tant de poussière et puis un bleu acier qui grandissait en suivant les filaments de mon iris. J'ai retroussé mes manches et j'ai armé mes bras de patience. J'en avais assez. J'avais besoin de respirer.


    Ma main était forte et pleine d'envie mais ma main tremblait quand je sortais une de ces ombres obscènes et translucides. La tête baissée, tel un condamné, le fantôme feignait  la mélancolie ou la tristesse. La résignation. Je déteste me résigner. Parfois même, acculé dans ses extrémités, ce salopard de fourbe usait du chantage. Pire, du regret. Il m'atteignait. Il pesait de tout son poids sur la raideur de mes muscles tétanisés. Mon bras devenait plus fragile, ma nécessité plus fluctuante. La poussière de mes yeux comme la trace indélébile des stigmates dont j'avais du mal à guérir. Ma main tremblait. Les fantômes m'éreintaient. L'envie de renoncer m'accablait.


    Alors, tout doucement, ton bleu s'agrippait plus fort à mon iris. Il me rattrapait et m'empêchait de tribucher. Je restais perchée sur ma chaise. Tes yeux comme la balustre de ma planche naufragée. Trés Fragile. Une bouffée d'air. Je lâchais le fantôme à terre. Hagarde, les bras ballants, je contemplais le monticule. Ces vieux objets utiles ou illusoires. Ces vieux objets auxquels je n'avais plus envie de donner une seconde vie ou un second nom. Ils finissaient,  agonisant au milieu du salon.


    En vrac, un photomaton idiot, une page de mauvaise foi auto-collante, un pantalon gris, un autre côtelé en marron, un pull détesté à Noel, et puis.... Et puis une veste paternelle en flanelle grise qui me fit perdre l'équilibre. Toute mon énergie était encore tissée dans ses fibres. Le désordre d'une vie "ecchymosée"  et bringuebalée de ville en ville s'imprimait dans sa doublure. L'ensemble de l'histoire résumé dans ce tissu irritant. Cette veste me fit défaillir bien plus que s'il s'était agit de celle de mon père.


    J'avais ton regard posé sur mes faiblesses avec cette douceur bleue et pénétrante. Ce bleu qui balayait les poussières de mes yeux. J'ai déménagé. J'ai tout lâché. Je tousse. Oui. Je tousse de manière convulsive. Il n'est pas facile de souffler sur une épaisse couche de poussière accumulée au fil des souvenirs.


    J'ai fini par rendre les objets au bon vouloir du trottoir. J'ai marqué Trés Fragile dessus. J'ai honoré la planche en lui offrant deux miroirs, et tu sais quoi ? J'aime sentir le parquet sous ma voûte plantaire, j'aime tenir ta main lorsque je perds l'équilibre.

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