• Sous vide



    Était-ce l'alcool ? Étais-ce la chaleur suffocante que l'orage n'avait pas su dissiper ? La pollution. Mon coeur s'est mis à battre. Du vin ? Non, merci. Surtout de l'eau.


    J'ai badigeonné les briques de beurre fondu. Un pinceau à aquarelle faisait l'affaire pour peindre le dîner d'une touche de cannelle. J'aimais prendre ce temps et savourer les mots autour d'une pomme compotée. Replier la feuille sur elle même, faire de ma cuisine une origamie. Lentement, tout doucement, j'ai laissé ce temps s'ouvrir dans mon palais. Comme un bon vin qu'on laisse reposer, le temps s'est oxydé et s'est mêler à tant d'autres saveurs. J'ai laissé son goût m'envahir et me transporter au point de défaillir. Mon coeur battait. Je l'entendais palpiter à chacune de mes gorgées. Le temps prenait mon corps tout entier.


    A un moment, à un moment précis, il a quitté mon corps. Mon sang comme une énorme bulle dans mon cerveau. Il s'accumulait dans ma boîte sous vide. Mon cœur était sorti de sa cage thoracique. La bulle a explosé au milieu de mon cortex. Au ralenti, une pluie scintillante. Au ralenti, à n'en plus finir. La douceur et l'ivresse de l'Hanabi.


    Le canapé rayé a accueilli mon corps liquide. Une terre d'asile. Pas de vin, non. Surtout de l'eau. J'ai aimé ce reflet sur la vitre de la cuisine. J'ai aimé le regarder et l'embrasser du bout des cils. Il avait cette candeur maladroite, cette envie désemparée. Il m'a donné à voir toute la beauté d'un quotidien pourtant si commun. J'ai adoré les détails de cette image que la nuit vitrée découpait. Et les silences bavards qui ne risquaient pas de faire revenir mon palpitant à la raison.


    Une salade et une brique sous vide. Du vin.
     
    crédit photo : Ola Bergengren 

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