• Tu sais ça commence comme une humeur. Tu regardes le boucher et tu as comme l’envie de te moucher. Un premier filé et ça continue sans s’arrêter. Tu as besoin de savoir. Tu as besoin de trouver quitte à te moucher tout en entier. Le moment ou tu te sentiras lavé. Le boucher n’a pas bougé il te regarde du coin de l’œil. Il attend que tu trouves la force de lui demander de s’en aller. Celle de te trouver, dans toute l’humeur de tes mouchoirs empilés.  Tu  résistes, tu préfèrerais ne pas pleurer, tu as une certaine fierté. Pourtant il faut y aller. Prendre en ses bras cette chaire que tu croyais inerte, la faire parler, la cuisiner et la digérer. C’est le seul moyen de raccrocher son tablier.

    J’attend ce jour avec impatience. Car cohabiter avec cette saloperie de boucher n’est pas aisé.

    Jean-Michel Espitallier, m’inspire ce rêve pas tout à fait étranger. Ces corps qui pendent dans le vide d’un hangar humide. Ces corps encore vivants, accrochés par le cou ou par les pieds. Ces cadavres encore fumants qu’on aurait pu dire être l’œuvre du boucher. Des crochets, des chaînes, des esses. Quelques éléments funestes déjà empaquetés dans des sarcophages en plastique ou en papier. Suffocante vision. Plus rien à faire que de ne rien faire pour les y déloger.

    Et puis, quelque chose de plus qui appelle à traverser la vie. Une humeur qui se lit dans les replis d’un mouchoir. Ce quelque chose qui fait peur comme la lame d’un boucher. Je me souviens de cette angoisse sans me rappeler pour autant s’il s’agissait originellement de la mienne. Alors je ne trouve pas vraiment la fantaisie bouchère d’Espallier tout à fait grotesque. Pas plus que de frapper un aveugle avec une bate de base-ball ne me semble burlesque. Et cette phrase comme une litanie :  « je ne suis pas un monstre, je ne suis pas un monstre, je ne suis pas un monstre ». Je ne suis pas ce boucher dont je t’offre la tête sur un billot. Moi, non plus je ne suis pas une monstre. Et je sais qu’il y a autre chose qu’un boucher, mais qu’il faut le trouver.

    Aujourd’hui ce livre posé au milieu d'un mirroir ou d'un mouchoir.
    Qui sait peut-être celui de nos ressemblances. 

     

    Ref.  Jean-Michel Espitallier " Fantaisie bouchère " - Francis Bacon "Lucian Freud" 1965.


     

     


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  • OFF

    J’aime bien t’écrire des mots pas si souvent.

    Mon humeur du week-end par Anne Valérie Gasc.

    Je serais sourde. Sourde dans le repli de la laine.

    Mardi viendra le quotidien, et une image qui lui va bien. Merci madame Gasc d’enrichir
    mon quotidien, y compris dans de toutes petites choses comme le repli de la laine.


    Ref. http://documentsdartistes.org/artistes/gasc/
     
     

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  • l'homme au boîtier

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    J’ai pensé mélanger les couleurs. Peindre du rose, y ajouter du jaune, obtenir du orange. Evidemment. Et puis trouver une nuance de bleu qui aille avec le vert.  Un amiral ou un canard. J’ai pensé aux pigeons. Je me suis posée des questions au sujet de leur age. J’ai pensé à cet hôtel. J’ai pensé au cinéma qui lui répond. J’ai vu la folie slave d’un ours apprivoisé ou en liberté dans un " Hôtel du New Hampshire". J'ai pensé donner des conseil au "Buveur d'eau".

    J'ai préféré cet immeuble niché entre les deux. L'hôtel et le cinéma. J'ai imaginé le septième et mon envie dissimulée entre deux lignes. Alors j'ai senti l'odeur du café. Dix minutes pour gommer mon énervement au sujet des pigeons. Préférer la pudeur discrète des moineaux, écouter le chant d'une hirondelle sur un balcon. 

    J’ai senti que la couleur n’avait plus d’importance. Que la virginité du blanc restait à inventer. Quelle était toute les couleurs à la fois, tous les styles aussi. Qu’il fallait prendre le temps. Celui de réapprendre sans autre référence. Le temps d'apprendre à aimer. Le prendre et l'apprivoiser.

    J’ai changé les draps. J’ai reproduit ce geste cent fois répétés autrefois. Un coin et puis l’autre. Au premier arrivé. La couette que l’on agite et que l’on ajuste. La pesanteur de ce souvenir dans les replis du coton. Une plume pour un canard. Décidemment je ne tient pas à connaître l’age des pigeons. Je veux entendre le chant des oiseaux, celui du vent dans mes mèches, le goût d’un désir sur mes lèvres.

    ref. John Irving


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  • Tarasse Boulba

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